Le titre est un peu provocateur.
Certes, certains prétendent que les prisonniers ont plus de chance que les SDF et qu'ils ont la télé gratuite. Ce n'est pas le sens de notre titre.
La question est la suivante : Peut-on chanter le bonheur dans une prison ?
Mission délicate de venir chanter « A la Bonheur » auprès de gens enfermés pour plusieurs années.
Et pourtant !
Après une première expérience en 2017, nous traversions de nouveau les grilles pour retrouver « les paroissiens de derrière les murs »
Nous n'étions pas encore installés que déjà les prisonniers arrivaient pour une heure de spectacle.
Les gardiens sortent, seul Henri, l'aumônier de la prison, entouré de 2 autres personnes, reste avec eux. On sent que la relation est bonne, que tous attendent quelque chose, que des habitudes spirituelles sont prises. La prière apportée par Françoise fait écho en chacun d'eux.
Et le spectacle commence.
Pendant les 2 premières chansons, il ne se passe pas grand chose. Mais l'échange autour des citations sur le bonheur délie les langues. On sent qu'elles font mouche, que le bonheur est un thème qui les concerne.
A la 3ème chanson, je vois les bouches qui s'ouvrent, les corps qui commencent à remuer. Le public réagit différemment. Les uns chantent, les autres tapent des mains, les étrangers regardent les images, leurs voisins leur traduisent les paroles. Quelques-uns restent sur leur nuage et ne bougent pas.
La 6ème chanson « Carte Sim » les chamboule complètement. Elle a pour but de rechercher ce qui est le plus important dans la vie. Certains sortent des photos, d'autres partagent leurs impressions. J'en vois deux qui sont entièrement dans le spectacle, le visage radieux.
A la dernière chanson, il n'y a plus beaucoup de bouches fermées. Il n'y a plus de barrières entre eux et nous.
Le spectacle est fini. Ils viennent vers nous pour nous remercier, nous disent combien les textes les ont touchés.
Nous aussi, nous sommes touchés, désolés de les voir retourner en cellule, mais contents d'avoir pu semer quelque chose : peut-être attendront-ils le bonheur qui suivra leur libération, peut-être saisiront-ils les petits instants de bonheur qu'ils peuvent ramasser ou provoquer dans leur enceinte, lors d'un dialogue, d'un geste d'amitié,d'un partage. Non, le bonheur n'est pas inaccessible. Les prisonniers de Douai ont pu, juste un peu peut-être, le toucher
Yves